Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ACD x YMC
ACD x YMC
Publicité
ACD x YMC
Archives
15 avril 2006

Black Wire "Hung Up"

Dans mon univers affectif, dans les groupes apparus ces dernières années (et même ces deux dernières années parce que Black Wire a dû se former il y a qu’un petit deux ans), Black Wire occupe un statut à part, a la fois une déception et une sorte de joie lorsque j’entends un de leurs disques. Je les ai découverts grâce à une amie (bon pour être honnête toujours la même amie qui a la fois m’accompagne aux différents concerts oû je vais et qui tient également le blog « On Every Other Street ») qui avait trouvé lors d’une descente chez Gibert le 45t de « The Face » limité a 500 copies et me l’avait brandi en braillant un triomphal: « Il en parlait dans le Dazed and Confused du mois dernier ». Quelques jours plus tard elle me passait en boucle ce 45t en tentant de me convaincre que Black Wire avait un potentiel à détrôner les Neils Children dans la catégorie « le groupe qui quoiqu’il fasse je défendrais avec la pire mauvaise foi ». La chanson commençait par une boucle de synthé bon marché avant de s’enfoncer vers des guitares psychotiques faisant rejoindre un Ladytron cheap et un Adverts glam. Un peu plus tard, toujours chez Gibert je mis la main sur leur premier maxi permettant de mettre un peu plus à jour leur univers : toujours très glam, entre punk limite poussif, rigidité électronique (la boîte à rythme), un mixage un peu bâclé, cris de jeune homme angoissé, faisant des allers-retours entre la voix blasé et les cris de goret effarouché. Un disque très sympathique en somme, réunissant le mauvais goût réjouissant de l’electro-clash et l’ardeur de l’Angleterre redécouvrant son patrimoine post-punk dans ses pires périodes d’auto-pillage pas même avouer. La découverte des personnes se cachant derrière cette musique, le visionnage du clip de « Hard To Love, Easy To Lay » ne fit que renforcer cette perception de leur musique : Des clichés à la limite du Mötley Crüe, des habits de Strokes (période « Is This It », la seule qui vaille quelque chose) passe à l’essoreuse, de superbes crétins parlant a ARTE de leurs passions pour leurs skinny jeans.
Puis enfin l’album…mieux produit que leurs maxis mais portant leurs marques de fabriques (les cris de goret le long de chanson montant crescendo, les guitares fofolles partant dans tous les coins, la construction de chansons hum un peu aléatoire, la boîte à rythme qui semble avoir été programmé un soir de biture, le mixage heu…bizarre ?). Mais la production avait renforcé la basse, rajouté des lignes faméliques de piano et surtout un étrange écho sur absolument toutes les guitares, les multipliant ainsi jusqu'à l’infini. Mais il restait derrière ces étranges arrangements (après leurs premiers maxis s’entend) quelque chose de foncièrement imbécile, une sorte de réjouissance premier degré et pourtant on entendait parfaitement que nos trois idiot avait parfaitement intégré l’histoire de la pop Anglaise avec une nette préférence pour The Clash (les guitares !!!!) et The Special (les basses !!!!). Mais également quelque chose d’autre, de plus sombre, de plus dangereux peut être, une sorte de pression haletante, de vitesse, de (allons y pour les clichés) de fureur de vivre s’accompagnant de passions morbides pour le borderline (je vous avais prévenu pour les clichés…), une sorte de souffle débordant de la fête coupée à ses éléments les plus dérangeants, vous savez ces moments où l’on se retrouve à faire n’importe quoi à deux doigts du coma éthylique. Contrairement à The Dead 60’s par exemple, leur assimilation du punk/ska/rockab’/2-Tone s’accompagne d’une sorte de sentiment de noirceur amusante, de claustrophobie festive, un peu comme le moment oû on va basculer dans la réalité dans tout ce qu’elle a de plus dure (et une deuxième couche de cliché…en même temps avec eux…).
Là ou les Dead 60’s revisite bien poliment les Clash et les Special en les reconstituant façon musée Grévin,en les empaillant et les coupant ainsi de leurs origine, les glaçants dans ce qu’ils ont de moins intéressant -leurs musiques, pas le cheminement vers elles- (un peu comme Radio 4 avait fait en remettant les morceaux de PiL et de The Pop Group dans le bon ordre sans comprendre que la magie de PiL et de The Pop Group se faisait avant tout dans leurs psychose sonore), Black Wire sublime ce patrimoine par un cliché décadent d’un certaine Amérique, se transformant un peu en une sorte de New York Dolls de l’Angleterre de la fin des années 70. Et leur nouveau clip ne déroge pas à la règle : ambiance de cabaret enfumé et désert, logo en polystyrène découpé et bombardé de paillettes argentées, toujours cette atmosphère de claustrophobie joyeuse, quelques boules à facettes, et nos trois zombies fétards dansant, poussant quelques « shalalala » et autres « ha ! ». Musicalement toujours cette même chose cette fois versant un peu plus dans le post-punk que d’habitude (quand je dis post-punk je pense a « Mind Your Own Buissnes » de Delta 5 pour être précis ; je ne sais pas pourquoi la basse m’y fait penser). Dan Wilson (le chanteur) tente comme a son habitude de faire une belle voix de crooner n’arrivant qu’à une sorte de Ian Curtis ayant trop forcé sur l’alcool avec une belle voix grave qui sent son étirage de cordes vocales.
Bref autant le dire tout de suite si j’ai écrit au début que Black Wire est synonyme de déception c’est avant tout parce que leur musique flirte assez souvent avec la formule et que cette formule est par moments assez anodine, à la limite de l’anecdote. Si Black Wire se distingue c’est avant tout par leurs jeux et leurs mélanges des clichés à la fois renvoyant à une Angleterre en quête de réinvention du R’n’R (l’after-punk dans son ensemble : 2 Tone, post-punk, gothique, rockabilly) et à l‘Amérique des années 50, fournissant à l’univers de Black Wire la fascination pour la culpabilisation chrétienne en quelque sorte.
C’est-à-dire qu’il me semble en entendant leur musique en observant leur univers d’y percevoir la dualité entre péché et rédemption ayant habité le R’n’R depuis…le blues et la country et depuis par tous les revivalistes que ce soit les New York Dolls, Jeffrey Lee Pierce, Nick Cave, le neo-folk, l’alter-country, etc. (bon aussi  Joe Strummer dans ces périodes rockabilly, a cette différence que chez les Clash la rédemption sera la politique et l’ouverture sur les musiques des opprimés –certes là tout comme pour les New York Dolls c’est un peu de la mauvaise foi-). À la fois la débauche sans limite et l’espoir d’une prochaine reprise de sa vie par la moralité. Le dispositif scénique du clip de « Hung Up » ainsi en est proche : si la disposition fait immédiatement penser a un bouge infréquentable, une étrange lumière blanche éblouissante tombe littéralement sur eux, inondant leurs visage d’un halo qui contraste avec les tentures sombre autour d’eux. Il y a ainsi une tension qui s’effectue entre a la fois la fête, la débauche, l’angoisse, un peu comme un monde qui chercherait une porte de sortie par une sorte de…décadence ? C’est-à-dire par une sorte d’enfoncement toujours plus loin dans ce que la moralité entendant par déchéance. Ainsi l’amusement, la fête ne se vit que par et pour la perdition, pour le point de rupture, la perte de soi, construit par une sorte de fascination pour avant tout la destruction de soi dans un regard de moralité, animée par une croyance que seul le bas-fond peut donner accès a la béatitude. Des bas-fonds habité par la scène de « Crime et Châtiment » oû la prostitué et l’assassin lisent l’ancien testament, par Des Esseintes, par Dorian Gray, par Pascal, par Lautréamont/Ducasse, par toute cette vision morale faisant du péché un moyen de rendre hommage, de faire œuvre d’humilité devant la grandeur de Dieu puisqu’à la fois se dresser devant lui c’est reconnaître sa grandeur et par l’utilisation des péchés faire œuvre d’humiliation devant lui. En quelque sorte le péché est ici vécu comme a la fois affirmation et déni de soi devant celui qui instaure le péché, un peu un processus de « je ne suis pas assez bon/grand pour Toi ». Ne croyez pas que je suis en pleine crise mystique, je vais bien merci.
Non simplement cette histoire de dualité entre moralité et immoralité, entre péché et rédemption, cette tension de l’homme croyant entre sa petitesse et la grandeur de Dieu est, il me semble, au centre de la naissance du R’n’R jusqu’à l’explosion punk (désole d’y revenir)( et puis vous le savez bien je vais mettre le punk britannique au milieu de cette rupture, puisque le solipsisme  New Yorkais est toujours dans cette vision)(et oui là je suis d’une parfaite mauvaise foi, je sais très bien que Lora Logic, Palmolive et Poly-Styrene se sont convertie dans les années 80 et en plus dans les branches les plus dures des Krishna et du catholicisme)
Donc je reprends, la tension entre la péché et la rédemption me paraît une des clés de lecture les plus probables du R’n’R et encore maintenant l’anime un peu dans une version un peu plus diffuse (« This Is Hardcore » puis la subite passion de Jarvis Cocker pour l’écologie et la famille ? Peter Doherty ? Les déguisement de mon héros ultime du moment depuis deux ans, John Linger ? A.R.E. Weapons ? sans même parler de 16 Horsepower/Woven Hands …). Je reprends sur Black Wire. Eux me semble intégrer inconsciemment toute cette tradition et la cristalliser au travers des clichés qu’ils veulent vivre (le borderline, toutes ces conneries de limites à dépasser –psychologiquement s’entends-), reprenant ainsi toute une tradition que Nick Cave (« Babe I’m On Fire » sur Nocturama par exemple) avait bien du mal a garder tout seul, se plongeant dans le sentiment grisant de la perte de soi, de l’extrême limite, bref tout ça. Quelle différence avec Patrick Eudeline allez vous me dire…c’est vrai c’est plus ou moins le même système lorsque l’on met à part la mythique de l’Artiste Maudit. Pas grand chose de plus sur le plan de l’intellection de ce système. C’est là que la musique de Black Wire rentre en compte, non parce qu’elle révolutionne la vision de ce système mais avant tout parce qu’elle confronte un système de rédemption basé sur la politique, sur le monde (toujours l’Angleterre de la fin des année 70) à un système de rédemption fonctionnant sur des ressorts psychologiques (ma fameuse tension entre péché et sentiment religieux) : musicalement reprenant les codes de la première puis, sur le décorum, reprenant la seconde. Créant ainsi une zone d’entre-deux, distribuant ainsi par-dessus cette première tension une seconde, qui se trouve être entre deux rédemptions.
Non que je pense la rédemption comme absolument utile à la musique mais plutôt, que ces différentes tensions que je crois voir dans la musique de Black Wire, en font son originalité. Bien entendu en dehors du débat musical ces valeurs me semblent bien vaines et pesantes mais ainsi intégré à leur musique crée, bien qu’ils ne l’exploitent pas jusqu’au bout, une forme particulière oû est quasiment palpable cette tension, cette volonté déchirée entre deux pôles.

Je vous ai encore écris du beau charabia/n’importe quoi. Je m’excuse de vous avoir encore pris de votre temps.
(lien pour ce clip: black wire "hung up" qui est le nouveau single de Black Wire. Sortie le 15 mai)

Növö Y

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité